Un peu d'histoire
De la broderie à la peinture à l'aiguille.
La broderie désigne l'art d'ornementer un tissu au moyen de motifs cousus avec des fils de couleurs et de textures variées.
Le terme de "broderie" apparaît à la fin du 12ème siècle et indique tout d'abord les motifs décoratifs ornant les vêtements sacerdotaux. Par la suite, il s'applique aux ornements cousus sur toutes sortes de tissus à l'aide de fils colorés. Cependant, la technique de la broderie existe depuis des temps très reculés.
En effet, l'art de la broderie est des plus anciens. Les fouilles en Egypte ont fourni la preuve que la broderie était déjà connue voici 3000 ans. De même, les Babyloniens, les Phéniciens et les Hébreux connaissaient la broderie. Ils en décoraient leurs habits et ont transmis le désir d'acquérir cet art aux princes des peuples et tribus qui les dominaient et avec lesquels ils commerçaient. Les Etrusques ont poussé cet art très loin en utilisant pour leurs broderies des fils d'or et d'argent. Mais ils ne restent que peu d'éléments de cette époque et son histoire est difficile à reconstituer.
La culture asiatique a laissé plus de traces de cet art. La tradition historique rapporte que l'usage de la broderie remonterait, en Chine, à l'an 2255 avant Jésus-Christ. Les recherches archéologiques récentes placent toutefois l'apparition de la broderie plus tardivement, sous la dynastie Chang, fin du 16ème siècle à fin du 11ème siècle avant J.C.
La prospérité qu'a connu la Chine à cette période, le développement de la production et l'évolution du tissage de la soie ont permis à l'art de la broderie de s'élever vers des techniques de plus en plus raffinées.
A l'origine utilisée pour afficher son rang à l'intérieur d'une caste, la broderie a ensuite pris des valeurs purement ornementales et esthétiques.
D'une extrême simplicité sous la dynastie des Tcheou occidentaux (1211-771 av. J.C.) au décor vestimentaire plus élaboré sous la dynastie Han (206 av. J.C. à 220 ap. J.C.), les brodeurs de la dynastie Song (960-1279 ap. J.C.) étaient capables de copier les tableaux des grands maîtres de l'époque et de permettre à la broderie de s'identifier totalement à la peinture. Sous la dynastie Ming (1368-1644 ap. J.C.), la famille Kou de Chang-Hai, aujourd'hui Shanghai, acquit une immense renommée pour la qualité de ses "peintures à l'aiguille" avec la réalisation de la célèbre broderie "Le Jardin de la Rosée Parfumée".
La peinture à l'aiguille emprunta elle aussi la route de la soie pour arriver en Europe vers la fin du moyen-âge, sans oublier un petit détour par la Corée et le Japon.
Chacun des pays visité adapta cette technique à sa culture.
Pour le Japon, ce fût le "Nui Dô" ou "La Voie de la Broderie" avec toute la rigueur et la perfection de l'esprit japonais.
Technique venue de Chine via la Corée en même temps que le Bouddhisme, d'abord utilisée dans l'art religieux, elle devint parure des nobles de la cour impériale et des puissants seigneurs, des acteurs du théâtre "Nô", des riches marchands et des gracieuses geishas.
Le Nui Dô comporte 46 points différents qui par leur agencement harmonieux apportent aux artistes d'aujourd'hui toutes sortes de possibilités dans la décoration des kimonos et des obis (ceintures servant à fermer les vêtements traditionnels japonais). Il est aussi de plus en plus utilisé dans la décoration d'intérieurs.
En Europe, c'est l'Italie, du 15ème siècle au 18ème siècle, qui avec la broderie à "l'or nué" apporta ses lettres de noblesse à la peinture à l'aiguille en incorporant de plus en plus de fils de soie dans la technique de "l'or couché" qui lui utilisait des fils d'or et d'argent. Le fil de soie unique finit par remplacer l'or et l'argent et le point brodé toujours plus fin grâce au "passé empiétant" donnait l'impression d'être semblable à un trait de pinceau.
En France, Charles-Germain de Saint-Aubin, fils du brodeur Gabriel-Germain de Saint-Aubin et de Anne Boissay, qui fut lui même brodeur du Roi Louis XV dans la seconde moitié du 18ème siècle, considérait le passé empiétant comme le point phare de la peinture à l'aiguille qui exige beaucoup de goût et d'intelligence. Il demandait aussi à ses brodeuses de préparer leurs aiguillées de soie comme un peintre compose sa palette.
L'Angleterre lui attribua le joli nom de "broderie d'ombre et de lumière".
Sources principales : Arts & Techniques de la Soie de Jean-Jacques Boucher (Editions F. Lanore-Sorlot), La Broderie pour les Nuls d'Eglé Salvy (First Editions), La-maison-du-textile.com, Globe-brodeurs.com, Chine-informations.com, Etoffe.com, Broderievonbabenberg.blogspot.com et Wikipédia.